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LA NOUVELLE STATUE
     
    Le Conseil Municipal du 18ème arrondissement de Paris a voté en 1997, à l'unanimité, le projet d'érection d'une statue du chevalier de La Barre, sur l'ancien socle.

C'est le projet du sculpteur Emmanuel Ball qui a été retenu par l'association, puis accepté par la Ville de Paris. La nouvelle statue, payée par souscription, a été inaugurée le 24 février 2001.
Elle représente le chevalier dans la posture du "crime" : ne pas se découvrir devant une procession religieuse. Square Nadar, le chevalier nargue le Sacré-Coeur.

Pour ne pas oublier que le livre de Voltaire à été brûlé avec le corps du chevalier, le socle porte l'inscription suivante, tirée du Dictionnaire Philosophique : "La tolérance universelle est la plus grande des lois".

 

DISCOURS D'INAUGURATION DE LA NOUVELLE STATUE
par Madame DUTILH, Présidente de
l'Association du Chevalier de La Barre,
Samedi 24 février 2001, square Nadar, Paris 18
ème


Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire,
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs les Dignitaires de la République,
Mesdames et Messieurs les souscripteurs de la statue
que nous allons dévoiler dans quelques instants,

Qu'il soit d'abord rendu hommage à une presse humoristique
qui nous a soutenus dans notre démarche, à laquelle appartenait
notre ami Xavier Pasquini disparu récemment.

Le 1er juillet 1766, sur la Grand'Place d'Abbeville, Jean-François Lefèvre, Chevalier de La Barre n'est pas mort attaché à un poteau, comme on a bien voulu le représenter.
Parce que noble, il a eu le privilège d'avoir le col tranché (les termes sont d'époque).

II avait subi la torture, dirait-on aujourd'hui, la question ordinaire disait-on alors, afin qu'il révèle les complices de ses impiétés.
Quelles étaient ses impiétés ? L'acte d'accusation nous dit : "II a chanté deux chansons blasphématoires, rendu les marques de respect à des livres infâmes tel le Dictionnaire philosophique de Voltaire" et surtout, premier chef d'accusation, "avoir de propos délibérés, passé le jour de la Fête-Dieu, à vingt-cinq pas du Saint Sacrement sans ôter son chapeau qu'il avait sur la tête et sans se mettre à genoux" (fins de citation).

C'est cette attitude que nous avons retenue. II a l'allure fière et insouciante d'un jeune homme de dix neuf ans opposé quotidiennement aux pouvoirs du moment. Pouvoirs doubles puisqu'en l'occurrence, il s'agit de l'Eglise et de l'Etat.
Le Chevalier est mort d'une société où le pouvoir d'Etat (royal en l'occurrence), était confondu avec le pouvoir religieux, où les dénonciations de blasphèmes étaient fréquents.

Dès le XVllème siècle, Pierre Bayle s'insurgeait déjà contre la transformation du blasphème en délit. II faisait remarquer que le blasphème n'est scandaleux qu'aux yeux de celui qui vénère la réalité blasphémée.

   
II a fallu attendre le 9 décembre 1905 pour que le rêve des Lumières, la loi séparant les Eglises et l'Etat, soit promulguée. "A écoles privées, fonds privés" disait-on alors. Aujourd'hui, un siècle après, nous constatons que cette loi a été détournée par de multiples aménagements : loi Astier du 25 juillet 1919, décrets des 8 avril 1931 et 9 janvier 1934, loi Debré du 31 décembre 1959 et bien d'autres décisions qui dissimulent des subventions discrètes et variées.   
     
Actuellement, la surinformation arrive à désinformer complètement la population . Qui sait, par exemple, qu'un procès a été gagné contre l'Eglise pour utilisation des fonds publics aux J.M.J ?
Autre exemple : aujourd'hui, des terrains municipaux sont bradés pour la réalisation d'un projet d'Institut Théologique en plein Paris. Et pourtant, le texte de la loi de 1905 dit bien "La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte".

Le concept de laïcité doit préserver un environnement permanent de liberté pour tous. II doit séparer la sphère publique de la sphère privée. La laïcité s'applique non seulement à l'école mais aussi à tous les domaines. On nous objecte que la laïcité est une spécificité française. Nous savons, pourtant, que sa pratique universelle amènerait la paix sur la terre entière.

Chacun est libre de ses croyances ou de ses doutes. Chacun est libre de vivre comme il l'entend pourvu que ses actions et ses propos ne nuisent pas à autrui et n'empiètent pas sur sa liberté. Cette liberté que je revendique pour moi-même, je la désire aussi pour les autres.
Or, on ne dit pas assez que tous les conflits armés de guerre ou de guérilla aujourd'hui comme hier, en Algérie, en Israël, en Palestine, en Irlande, en Afghanistan, etc..., on ne dit pas assez que tous ces conflits ont certes, souvent des causes économiques, mais qu' ils sont tous soutenus, nourris, exacerbés par des guerres de religions.
Ces Eglises emploient pour cela la force, mais aussi l'amalgame, le discrédit, l'intimidation, la culpabilisation, par excommunication, par monitoire ou fatwa.
Elles prétendent détenir la vérité, et veulent appliquer cette vérité à tous, alors qu'il ne s'agit que de leur vérité.

   
   Pour agir, les laïques n'emploient que la force de persuasion verbale, puisqu'il ne peut être question, pour eux, de contraindre au nom de la tolérance réciproque.
La laïcité est une conception subtile de la tolérance. Elle est comme l'air, on sait vraiment ce que c'est quand elle vient à manquer.

Un hebdomadaire déclarait récemment : "En dépit de son inexorable déclin, la religion est à la mode... Quoi de plus tendance que d'écouter une messe dans une église polonaise, de se montrer à la Mosquée de la Goutte d'Or ou d'assister à une belle célébration hassidique conduite par un rabbin fondamentalisme de la rue de Crimée ? Une visite du Dalaï Lama sans doute !" (fin de citation).
Les religions sont à la mode, et il est de bon ton de dire que la laïcité est ringarde.

     
II est vrai que certains, croyant la servir, l'ont dénaturée. En effet, certains laïques n'hésitent pas à se montrer souvent plus intégristes que leurs adversaires, au nom d'un communautarisme intolérant.
On ne sait plus si, au nom du droit à la différence, il faut renoncer aux valeurs fondamentales des Droits de l'Homme et du Citoyen.
On ne sait plus, en particulier, si les Droits de la Femme - car c'est elle, le plus souvent qui est la victime - si les Droits de la Femme doivent céder le pas aux religions.
Je ne parlerai pas du foulard islamique, de l'excision en Afrique, des chaussures carcan en Chine. Mille sujets peuvent et doivent être traités par la laïcité des institutions , garante de la neutralité et de l'esprit de tolérance. La Laïcité rassemble ce qui est épars, c'est sa fonction dans la laïcité.

Or, la laïcité ne possède pas d'emblème, de drapeau, de logo dirait-on aujourd'hui, pas de symbole rassembleur.
Notre souhait est de faire de ce square, du Chevalier de La Barre et de sa statue, une symbolique de tolérance, par des rassemblements de tous ceux qui, laïques dans leur comportement et quelle que soit leur pensée d'un point de vue politique ou philosophique, se reconnaissent dans le concept de laïcité.
II existe des actions à mener. Elles sont diverses, grandioses ou modestes, mais toutes empreintes de vigilance.

Ainsi, savez-vous qu'il a existé et qu'il existe encore des projets pour changer le nom de la rue du Chevalier de La Barre qui se trouve au pied de ce square ? Les noms avancés sont tous honorables. Je trouve pourtant plaisant que l'adresse de la Basilique construite pour expier les crimes de la Commune, dit-on, soit "rue du Chevalier de La Barre" ce qui ne serait plus le cas si on la... débaptisait.

Le premier but de notre Association était de remettre en place une statue du Chevalier. Mais la tâche n'est pas achevée. Permettez-moi de vous rappeler ses autres buts, d'après nos statuts :
- Rassembler, aider et favoriser les actions oeuvrant pour la liberté absolue de conscience, la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la liberté de penser, contre tous les intégrismes et les fanatismes.
- Promouvoir le concept de laïcité délimitant la sphère publique et la sphère privée.

"Etre laïque, c'est ne rien placer hors du débat". C'est sur cette définition d'Eric Fassin que je voudrais terminer.

Que ce lieu devienne l'outil qui mettra notre ambitieux projet en perspective. Que ce square - lieu ouvert - devienne en quelque sorte le Temple de la Tolérance, le Temple du respect de l'autre !

   
     
Honneur au Chevalier !
      

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